Compétence culturelle et Management interculturel

Dr Rachid Bennegadi, Vice-Président, psychiatre, anthropologue, président de l’Association mondiale de psychiatrie sociale

Objectifs

Former les différents acteurs dans l’entreprise à la maitrise de la relation interculturelle  en identifiant tous les obstacles classiques :

  •  Linguistiques
  •  Communication interculturelle
  •  Négociation interculturelle
  •  Management d’équipes pluridisciplinaires et plurilingues
  •  Finalisations, décisions, contrats et engagements dans un univers de plus en plus globalisé.

Introduction

La culture d’entreprise ne constitue pas une production autonome qui pourrait s’affranchir des représentations sociales et culturelles qui la traversent.
ORTIGUES (1993) nous rappelle que « les différences culturelles peuvent être placées n’importe où entre deux individus, entre deux professions, entre deux régions, entre deux continents et ainsi de suite… ».
Le concept de culture doit finalement rester transversal, à visée comparative et non pas comme une structure figée.

Le management interculturel

Pour HALL (1990), la culture est considérée comme un système de communication « la culture nous dicte nos comportements, elle programme chacun de nos gestes, chacune de nos réactions, de nos sentiments même ». Selon HALL, si une personne déroge à ces règles, l’interlocuteur aura l’impression que « quelque chose d’anormal s’est passé.».
Il faut comprendre cette proposition de HALL, non pas comme un dogme mais comme une invitation à analyser la culture comme un système de création et de traitement de l’information.
3 constantes pour HALL.

1.La notion de contexte riche et de contexte pauvre selon que l’information explicite est plus ou moins réduite

Par exemple, dans une culture à contexte riche, la communication se fait sur un mode allusif où l’implicite prime, et c’est le contexte qui pallie aux non-dits.
Par contre, dans la culture à contexte pauvre, les interlocuteurs « mettent les points sur les  i ». C’est-à-dire que le raisonnement logique est considéré comme naturel.

2.La notion de monochronie et de polychronie

Dans la monochronie, le temps est conçu comme un flux continu et il y a un passé, un présent et un futur.
Dans la polychronie, le temps n’est pas isolé des évènements sociaux, et l’obéissance n’est pas due au temps mais aux relations entre les gens.

3.La notion de proxémique culturelle

Comme pour le temps, le rapport à l’espace est culturellement construit.
La distance corporelle et le contact sont assujettis à des  codes.
L’intensité du regard prend des significations variables en fonction des formatages culturels.
Les signaux ne sont pas forcement contrôlables.

Pour HALL, ces trois constantes ne sont pas indépendantes.

Elles fonctionnent comme un système de communication.
L’erreur à ne pas commettre c’est de se limiter aux stéréotypes. « Les Allemands sont comme ceci, les Américains comme cela. Les Congolais comme ceci, les Suédois comme cela. Les Chinois comme ceci, les Italiens comme cela. »
Attention à la différence entre les comportements observés et les comportements attendus !

HOFSTEDE, dans sa célèbre enquête avec 100 000 questionnaires auprès de filiales d’IBM dans plus  de 50 pays, dégage 5 dimensions :

  • la distinction entre société individualiste et collectiviste,
  • la distance hiérarchique qui correspond aux différences de pouvoir acceptées dans la société :
  • le contrôle de l’incertitude qui concerne le degré d’acceptation de l’inconnu réservé par le futur avec des sociétés à fort contrôle de l’incertitude et des sociétés à faible contrôle de l’incertitude,
  • les sociétés masculines et les sociétés féminines,
  • l’orientation vers le court ou long terme d’une société.

La France, par exemple, serait une société avec :

  • un fort individualisme,
  • une grande distance hiérarchique,
  • un fort contrôle de l’incertitude,
  • un indice moyen de masculinité,
  • une orientation à long terme.

La compétence culturelle

La notion de compétence culturelle est la plus pratique dans le domaine de la gestion des ressources humaines car elle n’isole pas la référence culturelle (effet pervers de stigmatisation) mais la met en perspective, comme un atout complémentaire dans l’équilibre des ressources.

Les 6 clés de l’anthropologie au service de l’entreprise

  1. Assignation : Ne jamais utiliser la référence culturelle comme élément stigmatisant car elle assigne la personne et risque de la figer dans une attitude défensive.
  2. Affiliation : repérer la culture de l’autre dans un esprit ouvert de confrontation de valeurs permet l’affiliation de la personne dans l’institution.
  3. Appropriation : l’appropriation du projet de l’entreprise mobilise une énergie psychique qui varie en fonction des références culturelles (soumission sécurisante, refus de responsabilité, fatalisme dans l’évaluation des résultats, dénégation abusive pour exorciser l’anxiété).
  4. Intégration : l’intégration harmonieuse sous-entend des emprunts et des renoncements et provoque des réactions émotionnelles liées, d’une part, aux références culturelles, d’autre part, aux capacités de résilience.
  5. Séduction : L’investissement psychoaffectif déclenche des attitudes et des comportements sur le registre du coping qui mobilise les processus de séduction qui peuvent être fréquemment l’objet de malentendus à travers les références culturelles.
  6. Diminution de la distance interpersonnelle pour éviter l’augmentation de l’incertitude.

Conclusion

Avec l‘expérience internationale de formateurs à la gestion et au management interculturel , nous préparons les personnes ou les groupes à la sensibilité interculturelle avec pour objectif d’aller vers la compétence culturelle, en associant aux approches de HALL et de HOFSTEDE, celles d’IRIBARNE (« Logique de l’honneur et logique du contrat ») et en tenant compte des résistances naturelles aux changements suscités par la rencontre .

À méditer

  • Ce n’est pas parce qu’on colle des ailes à une chenille qu’elle se transforme en papillon !
  • Toutes les cultures proposent des stratégies de la réussite par l’engagement , seules les représentations changent .
  • Ces représentations sont déroulées souvent sous forme de scripts où le mode d’attachement est déterminant pour les tactiques frustrantes ou gratifiantes dans un contexte social déterminé.
  • Les références culturelles pilotent souvent l’effort de création collectif mais peuvent freiner l’évaluation des résultats lorsque le sujet perds le lien avec le groupe sécurisant qui l’enveloppait pendant l’effort de transformation du réel.

 

E. Levinas.
La rencontre, vraie, authentique, avec l’autre est donc en soi un chemin spirituel : l’autre me fait avancer en me décentrant de moi-même, son visage m’interpelle

Martin Buber
Le chemin de l’homme
« Commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour point de départ, mais non pour but ; se connaître, mais non se préoccuper de soi. »

Références bibliographiques

RAPAILLE C., « Culture codes. Comment déchiffrer les rites de la vie quotidienne à travers le monde », JC Lattès, 2008
SCHNEDER S., BARSOUX J.-L., « Management interculturel » 2ème édition, Pearson Education, 2003
CHEVRIER S., « Le Management interculturel », Presses Universitaires de France, 2003
HALL E. T. et HALL M. R., « Guide du comportement dans les affaires internationales » Allemagne, Etats-Unis, France, Seuil, 1990
IRIBARNE (Ph. d’), « La logique de l’honneur, Gestion des entreprises et traditions nationales », Seuil, 1989
HOFSTEDE G., « Culture’s Consequences :Comparing Values, Behaviors, Institutions and Organizations Across Nations », Sage Publications, 2001
ORTIGUES E., « Situations Interculturelles ou Changements Interculturels ? », in F. Tanon & G. Vermès (eds), L’Individu et ses cultures, l’Harmattan, 1993
CYRULNIK .B . »De chair et d’âme « Odile Jacob.