Sauve-toi, la vie t’appelle

Par Boris Cyrulnik
Date de publication: 27 septembre 2012
« Lors de ma première naissance, je n’étais pas là. Mon corps est venu au monde le 26 juillet 1937 à Bordeaux. On me l’a dit. Je suis bien obligé d’y croire puisque je n’en ai aucun souvenir. Ma seconde naissance, elle, est en pleine mémoire. Une nuit, j’ai été arrêté par des hommes armés qui entouraient mon lit. Ils venaient me chercher pour me mettre à mort. Mon histoire est née cette nuit-là ». C’est cette histoire bouleversante que Boris Cyrulnik nous raconte pour la première fois en détail dans ce livre où l’émotion du survivant se conjugue au talent de l’écrivain, où le récit tragique se mêle à la construction de la mémoire, où l’évocation intime d’une enfance fracassée par la guerre exalte la volonté de surmonter le malheur et de répondre à l’appel de la vie.
Le célèbre neurologue, éthologue et psychiatre publie Sauve-toi, la vie t’appelle, ses « Mémoires », essentiellement d’enfance et de jeunesse. Mais, chez Boris Cyrulnik, le mot « mémoire » n’a pas qu’un sens littéraire. Il désigne aussi notre faculté à collecter des souvenirs. Comment la mémoire fonctionne, comment elle sélectionne, comment elle se trompe, comment elle restitue l’histoire, pourquoi elle est capitale dans la construction de notre personnalité, surtout quand, au départ de la vie, elle a enregistré l’insoutenable, un trauma, une violente et fondatrice émotion…

Les faux souvenirs ne sont pas des mensonges, ce sont des accommodements pour le meilleur et non pour le pire. « La vérité narrative n’est pas la vérité historique, elle est le remaniement qui rend l’existence supportable. » Comme la plupart des déportés de retour des camps, Boris Cyrulnik s’est réfugié dans le silence après la guerre. Il s’était tu pour survivre ; il se taisait pour vivre. (Corinne Julve – Le Journal du Dimanche du 23 septembre 2012 )

Les commentaires sur le livre de Boris Cyrulnik n’apporteront rien. Il faut le lire. Absolument. « Ma vie mentale s’était arrêtée à l’âge de 2 ans, quand ma mère s’est retrouvée seule, après l’engagement de mon père dans l’armée ­française, et angoissée par l’imminence de son ­arrestation. Puis ont suivi pour moi quelques années de traque, de côtoiement de la mort et d’isolement sensoriel. Les brisures affectives, sans cesse répétées, l’interdiction de sortir ou d’aller à l’école, le sentiment d’être un monstre ont rendu impossible le moindre développement. Je n’ai pas souffert pendant ces agressions puisque mon âme était gelée. On ne ressent rien quand on est en «agonie psychique», on respire un peu, c’est tout. » Qu’ajouter à cela  ? Que dire de plus  ?…
La réalité ne correspond pas toujours aux souvenirs. Comme pour mieux s’accommoder du passé. Le récit de son histoire douloureuse est passionnant. Mais il n’est pas l’objet du livre. Le neuropsychiatre en tire des analyses qui aideront tous ceux qui cherchent à sortir d’un passé empreint de malheur. Nous retrouvons ce qu’il nous avait déjà enseigné sur le principe de résilience. C’est pour cette raison qu’il ne faudrait pas passer à côté de ce témoignage. (Valérie Trierweiler – Paris-Match, octobre 2012 )

Boris Cyrulnik ouvre toutes grandes les portes de sa « crypte », boîte de Pandore d’où surgit un récit autobiographique bouleversant de sincérité…
Il reconstitue son passé avec ses abîmes, ses souffrances, ses souvenirs trompeurs, ses doutes, ses zones d’ombre… Tel un enquêteur, il reconstitue le puzzle de sa vie. Boris Cyrulnik est un grand résilient, cette faculté humaine à rebondir sur les traumatismes, à laquelle il a consacré de nombreux ouvrages. Au travers de ce livre, il se prend comme objet d’étude. Cherchant à démêler le « vrai » du « faux », il traque ses souvenirs. Certains réels, d’autres enjolivés, inconsciemment, pour donner cohérence à l’impensable, pour pouvoir survivre, attraper les mains qui lui étaient tendues…
Ses parents mourront au camp d’extermination d’Auschwitz. « Comment vivre avec eux puis soudain sans eux ? Il ne s’agit pas d’une souffrance ; on ne souffre pas dans le désert, on meurt, c’est tout », analyse-t-il. (Martine Laronche – Le Monde du 25 octobre 2012 )