Face aux discriminations

Savoir prévenir et intervenir : c’est le but des formations-actions dispensées par la Ligue française pour la santé mentale soutenue par la Fondation SNCF.

Le phénomène de bouc-émissaire

Près d’1 jeune sur 5 en France est concerné par le phénomène de bouc-émissaire, autrement dit auteur ou victime de harcèlement, dans les collèges et lycées. La corrélation entre ce phénomène et le mal-être, le décrochage scolaire et le suicide est étroite. Or, près de 1000 jeunes se suicident chaque année dans notre pays. Cette problématique est bien connue de la Ligue française pour la santé mentale, qui a développé un programme de pointe, FAR (formations-actions et recherche), pour enrayer l’engrenage : discriminations, violence et santé.

 

 

La Fondation SNCF est là

Elle a décidé de soutenir ce programme pour plusieurs raisons. II s’inscrit pleinement dans son champ d’action “Vivre ensemble en partageant nos différences”. Il couvre 16 territoires en année 1 et touchera toutes les régions de France en 3 ans. Il apporte des réponses pratiques aux acteurs de terrain, qui s’engagent à mettre en œuvre les acquis de la formation dans le cadre d’une initiative à créer ou existante. L’engagement d’experts éminents, dont le responsable de programme Eric Verdier et Boris Cyrulnik*, dans l’action de la Ligue a définitivement convaincu la Fondation SNCF.

 

12 jours d’initiation pratique

Le programme FAR tient en deux modules. “Discriminations” : 8 jours pour apprendre à détecter et gérer des attitudes discriminantes. “Bouc émissaire” : 4 jours au cœur des établissements scolaires pour former des adultes référents et des jeunes volontaires à la prévention des risques d’isolement et de harcèlement en situation réelle. Plus de 500 acteurs bénéficieront de cette formation en 2013, ils sensibiliseront à leur tour une dizaine de “relais”, ce qui fait un impact décisif de 5000 bénéficiaires potentiels.

 

“Il suffit de présenter le monde mental et le monde socio-culturel de l’autre pour développer l’empathie et lutter efficacement contre la discrimination”

Questions à Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue, Vice-Président de la Ligue française pour la santé mentale

Vous êtes engagé dans la Ligue française pour la santé mentale. Quelles sont ses activités et quel est votre rôle ?
Il y a très longtemps que je travaille avec la Ligue française pour la santé mentale, qui a été un gros faisceau en son temps de lutte contre l’alcoolisme, pour la défense des familles et également un centre de recherche associé à la MGEN. Ce qui me convient, c’est son attitude multidisciplinaire, d’ouverture qui était nouvelle il y a 40 ans, et qui, après avoir été très critiquée, est maintenant recommandée. Les psychiatres de ma génération étaient tenus de choisir leur camp, la biologie ou la psychologie ou la sociologie ou la psychanalyse. On s’est rendu compte que ce savoir fragmenté menait à des attitudes de clans intellectuels, alors que la Ligue a toujours donné la parole à toutes les disciplines. Cette attitude ouverte et intégratrice ouvre la perspective et beaucoup de groupes s’organisent sur cette nouvelle attitude de recherche ouverte. Personnellement, j’interviens souvent dans des congrès, des colloques, dans l’orientation de certaines recherches et j’en fais moi aussi, à côté de beaucoup d’autres qui travaillent sur d’autres directions comme la lutte contre le harcèlement à l’école et la discrimination.

La Ligue lutte notamment contre les discriminations à l’école. Que préconisez-vous pour apporter une réponse durable à ce problème ?
Il n’y a pas longtemps encore, la discrimination était encouragée dans notre culture, où il fallait mépriser ceux qui n’étaient pas de la même couleur, la même religion, les femmes, les migrants. Parce qu’ils étaient moins bien intégrés et ils altéraient le sentiment d’appartenance du groupe. Cette attitude-là a mené à des souffrances humaines et des catastrophes sociales. La lutte contre les discriminations est beaucoup plus facile qu’on ne le pensait. Il suffit de présenter le monde mental et le monde socio-culturel de l’autre pour développer l’empathie et lutter très efficacement contre la discrimination. Les travaux scientifiques, le cinéma, la littérature, tout ce qui permet d’expliquer et de présenter le monde mental des autres est efficace. D’autant qu’aujourd’hui, notre culture ne valorise plus la discrimination. C’est un travail d’explication tout à fait faisable et que la Ligue fait de manière très militante et très efficace, à travers ses formations-actions notamment. On y arrive beaucoup plus facilement qu’on ne le croyait.

Que pensez-vous de l’engagement de la Fondation SNCF sur la question de la discrimination ?
L’engagement de la Fondation SNCF à nos côtés est très précieux, il est aussi naturel et légitime. L’entreprise sait mieux que personne que la discrimination se joue sur le terrain, là où l’on vit et là où l’on travaille. C’est là qu’en découvrant le monde mental des autres, on se rend compte que l’altérité est un enrichissement de soi et des autres. Au fond, le tranquillisant naturel, c’est la familiarité et la différence de l’autre devient une angoisse. Découvrir ses valeurs, son monde mental, sa culture, sa religion, c’est le meilleur moyen de le rendre familier, sécurisant, étonnant, amusant, parfois irritant, d’éviter l’isolement qui mène à la routine et à l’effondrement.